La suspension d’incrédulité, c’est cette étonnante particularité du cerveau qui met temporairement en pause notre jugement critique quand on suit une histoire.
Utilisée par les auteurs et les storytellers, les neurosciences nous expliquent aujourd’hui ce phénomène cognitif et nous guident pour mieux l’utiliser.
Pourquoi croit-on à une histoire ?
(et le père Noël existe-t-il vraiment ?)
Quand on rentre dans une salle de cinéma, on passe un contrat tacite avec l’équipe du film : « Je sais comment on fait un film et ce que je vais voir n’est pas vrai. Mais si vous me le racontez bien, je vais retrouver mon âme d’enfant ».
Croire, c’est voir. Pourtant, on connaît le pouvoir de manipulation des images.
Croire, c’est retrouver son âme d’enfant. Les enfants seraient donc si naïfs ?
Croire, c’est surtout arrêter son jugement critique. Si l’histoire est prenante, votre scepticisme disparaîtra pendant la durée d’un film.
Personne n’aime qu’on lui impose des idées. Pourtant au cinéma, on accepte tout sans chercher à remettre en question. La narration est donc un moyen de transmission d’informations et d’apprentissage qui ne nécessite pas de convaincre son auditoire, contrairement aux leçons et aux exposés où le professeur ou l’orateur cherchent à rallier le public à sa cause.
C’est ce qu’on appelle la suspension d’incrédulité : le spectateur accepte de ne plus faire appel à sa raison le temps d’une histoire. Nous acceptons les récits fantastiques, les contes et les légendes sans broncher.
L’auteur construit un scénario en jouant sur les qualités de l’intrigue, de la structure narrative et de la caractérisation des personnages pour préserver cette fameuse suspension d’incrédulité. Nous allons au cinéma pour nous laisser emporter par une histoire. C’est un acte volontaire. Mais contrairement à l’idée reçue, la suspension d’incrédulité n’est pas un acte volontaire.
Une particularité cognitive à exploiter.
Pour obtenir cet effet, une histoire développe un réseau dense et riche de symboles et de métaphores qui vont saturer la partie consciente de notre cerveau.
Un autre exemple de saturation cognitive : lorsque vous visitez un nouveau lieu, vous créez une carte mentale pour vous repérer à partir des informations dont vous disposez (panneaux indicateurs, plan, etc.). Cette activité nécessite une grosse partie de vos ressources conscientes. « Arrête de me parler, j’ai besoin de me concentrer », dites-vous à la personne qui vous accompagne. Il arrive même que vous ne l’écoutiez plus, tellement vous êtes plongé dans votre réflexion. Il y a une saturation de votre cerveau, qui décide de mettre de côté le traitement de certaines informations jugées moins importantes que la tâche vitale en cours.
Suivre une histoire occupe autant votre cerveau que de se repérer dans un lieu inconnu. Vous devez comprendre les liens qui unissent les personnages, leurs déplacements dans le monde de l’histoire, leurs objectifs, la résolution de l’intrigue, etc.
Vous créez une carte mentale de l’histoire qui nécessite toute votre attention. Votre cerveau met donc de côté sa faculté de distanciation critique.
Cette particularité cognitive a deux conséquences :
- Nous croyons à une histoire sans restriction, (croire, c’est voir)
- Nous réagissons émotionnellement comme si c’était la réalité (croire, c’est retrouver son âme d’enfant).
Jérôme Genevray.