Le contexte structurel n’est pas la seule cause de l’inquiétante défiance du peuple envers nos politiques. Authenticité et sincérité peuvent être au cœur de leurs communications. Objectif : convaincre plutôt que vaincre.
Mes chers compatriotes, je… (et c’est parti pour 3 minutes)
Les candidats espèrent retenir notre attention et nous séduire notamment avec des spots officiels de campagne venus d’un autre âge et inadaptés à la culture numérique.
Même si certains tentent l’originalité dans la forme (Poutou avec des parodies hasardeuses d’émissions TV, ou l’uchronie de Mélenchon), ces clips de campagne sont souvent trop longs, classiques dans leurs propos, parfois involontairement prétentieux et toujours impersonnels (malgré l’utilisation abondante du « je » à chaque phrase). Leur visionnage n’inspire pas suffisamment les sentiments de sincérité et de confiance. Je ne suis pas sûr que l’un de ces spots réussisse à nous toucher et à rester en mémoire.
Bill Clinton et son spot d’il y a 25 ans.
Back to the future avec le clip de la déclaration de la première candidature de Bill Clinton en 1992. Sa durée est d’une minute (format particulièrement court à l’époque et encore aujourd’hui), uniquement diffusé à la télévision (précision pour nos chers milléniaux : il n’y avait pas internet en 1992 mais nous avions de gigantesques tubes cathodiques).
Regardez le spot « Hope », de Bill Clinton :
Après son visionnage, j’éprouve de la sympathie pour ce candidat et j’ai envie de croire à la sincérité de son propos. Mettons de côté l’histoire et la portée politique de ce futur président des états-unis : il s’agit de comprendre pourquoi ce spot est terriblement efficace d’un point de vue émotionnel.
Une structure narrative pour interpeller et émouvoir.
Si la forme de la vidéo de Bill Clinton n’est pas grandiose (des images et des séquences d’archive sur une musique très 90s), le fond nous emporte. Ce clip utilise une structure narrative bien connue des script-doctors et des scénaristes. Voici les 7 temps forts qui hiérarchisent ce clip, construit comme une histoire dont les ingrédients sont des faits réels :
- Contexte et problématique : la jeunesse de Bill n’a pas été dorée. Bill parle à la première personne du singulier (« je »).
- Événement déclencheur et désir de changements : sa rencontre avec Kennedy a forgé sa volonté pour s’engager dans les « services publiques ».
- La difficulté : Bill a dû travailler pendant ses études pour pouvoir se les payer,
- Les méthodes pour y arriver : le jeune Bill s’est engagé dans l’administration après ses études, alors qu’il aurait pu devenir un homme d’affaire bien payé,
- L’engagement personnel : au niveau local de sa bien-nommée ville « Hope » (« Espoir »), Bill a contribué à l’amélioration des services sociaux (culture, santé, etc.). Bill parle maintenant à la première personne du pluriel (« nous »).
- Les résultats concrets : des emplois ont été créés à Hope,
- L’avenir, l’espoir : et si vous votiez Bill Clinton pour que ses actions locales deviennent nationales ?
Croyez-moi, ce spot n’a jamais été égalé en 25 ans. Imaginez un candidat à l’élection présidentielle de 2017 qui nous expliquerait en une minute avec sincérité les origines de son engagement pour la France et de sa conviction politique. Nous serions prêt à l’entendre. Nous, foule sentimentale mais pas naïve.
Jérôme Genevray est script-doctor et consultant en narration professionnelle. Il collabore avec Google, des ONG et des écoles d’enseignements supérieurs. Sa méthode : Narration + Concision = Conviction.